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Protection fonctionnelle et action civile devant le juge pénal

Pénal - Procédure pénale
14/04/2021
La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 2021, affirme que la protection fonctionnelle ne fait pas obstacle à la recevabilité de l’action civile exercée devant la juridiction répressive.
Un maire est condamné pour harcèlement moral à l’égard de deux agents municipaux. La Cour de cassation censure partiellement cette décision en mars 2016. La cour d’appel de renvoi juge recevable l’action des agents municipaux, puis statue sur les intérêts civils.
 
Entre-temps, le tribunal administratif condamne la commune à verser une somme en réparation du préjudice subi à chacun des agents au titre de la protection fonctionnelle.
 
Rappelons que la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, dite loi « déontologie » a expressément inclus les cas de harcèlement moral parmi ceux pour lesquels existe une obligation de protection. L’article 11 de la loi n° 83-634 prévoit désormais que « La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (…) ». (v. Fonction publique : précisions sur les conditions d’attribution de la protection fonctionnelle, Actualités du droit, 30 juin 2020).
 
 
Le maire saisit la Cour de cassation. Il soutient que l’action des agents, qui avaient déjà porté leur demande devant le juge administratif, était irrecevable notamment en application de l’article 5 du Code de procédure pénale qui prévoit que « la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive ». Il soutient que « la juridiction civile compétente » comprend également les juridictions de l’ordre administratif.
 
En vain. La Cour de cassation donne une lecture restrictive de l’article 5 et affirme que :
- « l’exception d’irrecevabilité de l’action civile (…) ne peut être utilement opposée devant le juge pénal lorsque celui-ci a été saisi le premier de l’action civile des parties civiles » ;
- et cette exception suppose que les demandes soient portées devant le juge civil et devant le juge pénal, « ce qui exclut l’application du texte précité lorsque le demandeur à l’action civile devant le juge pénal saisit également le juge administratif ».
 
Deuxième point à trancher : l’éventuelle méconnaissance du principe de la réparation intégrale. Le maire soutient que les agents ont déjà été indemnisés par le juge administratif.
 
La Haute juridiction ne l’admet pas : « la condamnation par une juridiction administrative de la commune, en raison d’une faute personnelle de son maire, détachable du service mais non dénuée de tout lien avec celui-ci, a pour effet de subroger la collectivité dans les droits de la victime. Elle ne saurait donc avoir pour effet de limiter l’appréciation de la juridiction répressive dans la réparation du préjudice résultant de cette faute, constitutive d’une infraction pénale ». Conclusion : l’octroi à un agent d’une somme en vertu de la protection fonctionnelle ne s’oppose pas à la recevabilité de son action civile devant le juge pénal.
 
 
Source : Actualités du droit