
Droit de la copropriété : vigilance renforcée sur les charges, les responsabilités et les droits procéduraux – ce que dit la jurisprudence récente
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« La copropriété n’est pas un espace de liberté absolue, mais un système juridique rigoureux où chaque droit s’exerce dans les bornes fixées par la loi, la preuve et la procédure. »
Les récentes décisions des juridictions civiles rappellent aux syndics, copropriétaires et conseils syndicaux que la gestion des immeubles en copropriété repose sur des principes d’organisation solides… et non sur l’usage ou la tolérance.
La copropriété, matière à la fois technique et humaine, est gouvernée par des règles précises, dont le respect conditionne la validité des décisions, l’efficacité du recouvrement des charges et la légitimité des actions en justice.
Les juridictions civiles, au premier rang desquelles la Cour de cassation, ont récemment précisé plusieurs points fondamentaux de la gestion de la copropriété, en matière de charges, de travaux, de représentation du syndicat et de responsabilités individuelles. Voici une synthèse pédagogique des décisions les plus récentes à connaître.
Le cabinet TURLAN AVOCATS vous propose une synthèse pédagogique et structurée des jurisprudences marquantes de 2023 à 2025, pour anticiper, agir et se défendre efficacement.
I. La preuve des charges, une exigence constante du juge
Le paiement des charges de copropriété repose sur la production de pièces justificatives claires, opposables, et régulièrement établies. Il ne suffit pas au syndicat de se prévaloir d’un arriéré pour obtenir condamnation : il doit prouver la créance, notamment lorsque le copropriétaire conteste sa quote-part.
Ainsi, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rappelé que la présomption d’exactitude des relevés peut être renversée par des éléments objectifs (notamment une erreur sur la consommation d’eau), et a débouté le syndicat de sa demande faute de justification suffisante (CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 1er juin 2023, n° 19/17780).
Par ailleurs, si le syndicat est en droit de réclamer les frais de recouvrement nécessaires, les dommages-intérêts pour retard ne peuvent être accordés qu’en présence d’un préjudice autonome et démontré. Quant à la demande de délais de paiement, elle doit s’appuyer sur des éléments probants attestant de difficultés financières réelles (CA Paris, Pôle 4 ch. 2, 10 janvier 2024, n° 20/12587).
II. L’approbation des comptes collectifs ne purge pas les erreurs individuelles
La Cour de cassation a récemment précisé une distinction essentielle : l’approbation des comptes par l’assemblée générale ne vaut pas approbation des comptes individuels des copropriétaires. Ainsi, un copropriétaire conserve toute faculté de contester la répartition des charges ou d’en corriger les erreurs, y compris après le vote des comptes collectifs (Cass. civ. 3e, 27 février 2025, n° 23-14.697, publié au bulletin).
III. La capacité d’agir du syndicat : entre légitimité collective et rigueur statutaire
La légitimité du syndicat à agir en justice suppose qu’il fonctionne effectivement et que le règlement de copropriété tienne compte des bâtiments concernés. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans une affaire où le syndicat, bien que récent, avait valablement modifié le règlement pour inclure de nouveaux immeubles (Cass. civ. 3e, 11 juillet 2024, n° 23-11.700, publié au bulletin).
En revanche, le paiement effectué par un copropriétaire dans le cadre d’une opposition au prix de vente d’un lot ne vaut pas nécessairement acquiescement aux charges réclamées, ce qui impose une analyse fine des circonstances.
IV. Responsabilité du syndic : le quitus ne fait pas tout
Le quitus donné par l’assemblée générale au syndic n’a pas pour effet d’effacer toute faute personnelle. Lorsqu’un copropriétaire subit un préjudice individuel du fait d’une négligence ou d’un manquement du syndic, il peut engager la responsabilité délictuelle de ce dernier, même après l’octroi du quitus (Cass. civ. 3e, 29 février 2024, n° 22-24.558, publié au bulletin).
Cette solution protège les droits individuels au sein de la collectivité et rappelle que l’approbation politique d’une gestion n’éteint pas l’action civile.
V. Travaux sans autorisation : le trouble illicite sanctionné… avec nuance
L’exécution de travaux affectant les parties communes sans autorisation préalable de l’assemblée constitue un trouble manifestement illicite, que le syndicat peut faire cesser par voie d’action en justice. La remise en état sous astreinte est alors une sanction légitime (CA Basse-Terre, 1re ch., 13 mars 2025, n° 23/00961).
Cependant, si l’ouvrage a été retiré avant que le juge statue, et que le risque de réinstallation n’est pas prouvé, la demande de suppression peut être rejetée. Une piscine installée sans autorisation sur une terrasse privative n’appelait ainsi pas de mesure conservatoire, dès lors que le trouble avait cessé (CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 19 juin 2025, n° 24/09611).
VI. Expropriation des parties communes : la représentation du syndicat est limitée
Le syndicat des copropriétaires ne peut réclamer l’indemnisation de la dépréciation globale de l’immeuble lorsque seules les parties communes sont expropriées. Il ne représente pas les copropriétaires individuellement pour la défense de leurs droits privatifs. Il ne peut donc être indemnisé que du préjudice direct subi par les parties communes elles-mêmes (Cass. civ. 3e, 16 mars 2023, n° 22-11.429, publié au bulletin).
VII. Procédures collectives : pouvoirs et voies de recours spécifiques
Les décisions prises par un administrateur provisoire nommé par justice dans le cadre de l’article 29-1 de la loi de 1965 ne peuvent être contestées que devant le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, à l’exclusion de toute autre juridiction (Cass. civ. 3e, 25 janvier 2024, n° 22-21.724, inédit).
Par ailleurs, seuls les copropriétaires régulièrement appelés à l’instance ont qualité pour solliciter l’annulation d’une assemblée générale, à l’exclusion des tiers ou des absents non convoqués (Cass. civ. 3e, 25 avril 2024, n° 22-10.485, inédit).
En synthèse : rigueur probatoire, distinction des intérêts et sécurité procédurale
Ces décisions récentes confirment les trois axes fondamentaux d’une bonne gestion en copropriété :
L’exigence de preuve en matière de charges et de responsabilité ;
La distinction entre l’intérêt collectif représenté par le syndicat et les droits propres des copropriétaires ;
Le respect strict des voies de recours et des règles de procédure propres à la copropriété.
Le cabinet TURLAN AVOCATS, fort de son expertise en droit immobilier et en copropriété, accompagne syndics, copropriétaires et administrateurs dans la gestion des conflits, l’interprétation des règlements, la défense en justice et la structuration des assemblées générales sensibles.
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