Liquidation judiciaire : la responsabilité des dirigeants ne sombre pas avec la société

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L’ouverture d’une liquidation judiciaire ne cloisonne pas le contentieux : elle le recompose.

Le droit français organise une responsabilité ciblée des dirigeants lorsque des fautes de gestion ont contribué à l’insuffisance d’actif – à l’exclusion de la simple négligence – et permet la poursuite d’actions même après la clôture.

C’est le cœur de l’article L.651-2 du Code de commerce, qui dispose que le tribunal peut mettre à la charge des dirigeants fautifs tout ou partie de l’insuffisance d’actif, dans un délai de trois ans à compter du jugement de liquidation. La saisine appartient au liquidateur ou au ministère public, et, à défaut d’initiative, à la majorité des créanciers contrôleurs (art. L.651-3).

Au besoin, la procédure reprend après clôture pour insuffisance d’actif si des actifs n’ont pas été réalisés ou si des actions utiles n’ont pas été engagées ; la reprise produit effet rétroactif (art. L.643-13). Le liquidateur peut, en parallèle, introduire ou poursuivre les actions relevant classiquement du mandataire judiciaire (art. L.641-4).

La Cour de cassation rappelle avec force (arrêt publié du 2 octobre 2024, n° 23-15.995) que l’exclusion de la simple négligence, issue de la loi du 9 décembre 2016, s’applique immédiatement aux procédures/instances en cours. Condamner sans distinguer négligence et véritable faute de gestion expose à la cassation. Message clair : qualifier précisément la faute est impératif.

Le 23 octobre 2024 (n° 23-15.365), la Cour de cassation précise que seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture entrent dans le calcul de l’insuffisance d’actif ; les frais postérieurs de réalisation ne doivent pas minorer l’actif. Conséquence directe : un quantum mieux calibré et des débats chiffrés resserrés.

Le 8 mars 2023 (n° 21-24.650), la Cour de cassation confirme que l’action en comblement de passif ne peut s’appuyer que sur des fautes antérieures au jugement d’ouverture ; les fautes pendant la période d’observation ne suffisent pas à ce titre.

Les cours d’appel exigent un lien causal concret entre chaque faute et le déficit ; à défaut, la demande est rejetée. Elles veillent aussi à la proportionnalité du montant mis à la charge du dirigeant et des sanctions personnelles : la Cour de cassation ( 23 mai 2024, n° 23-10038) impose d’ajuster la sanction si une faute disparaît ou si la situation personnelle commande un réexamen.

La pratique révèle une exigence d’ingénierie probatoire accrue.

À Paris, la cour a rappelé, le 7 mai 2024, que l’insuffisance d’actif se calcule strictement : seules les dettes nées avant l’ouverture de la procédure sont retenues et les frais postérieurs de réalisation ne viennent pas minorer l’actif. Cette rigueur n’est pas cosmétique ; elle conditionne le quantum et, ce faisant, l’issue même du litige. La décision illustre une méthode : qualifier précisément les faits, loger chaque poste dans la bonne temporalité, puis arrimer le calcul au texte. Cour d’appel : Paris, 7 mai 2024, n° 21/10524

La même logique d’affinage gouverne l’appréciation des fautes de gestion. À Bourges, le 11 janvier 2024, la perception d’une rémunération en dehors de toute habilitation statutaire a été jugée fautive dès lors qu’elle a contribué à creuser le passif ; la faute n’est pas un label, elle se prouve par pièces, chronologies et flux. L’enseignement est clair : l’irrégularité de gouvernance, lorsqu’elle a un impact financier objectivable, expose le dirigeant au comblement. Bourges, 11 janv. 2024, n° 23/00731

Amiens, le 23 mai 2024, enfonce le clou sur la causalité : la poursuite d’une activité déficitaire ou la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements ne suffisent pas par elles-mêmes ; encore faut-il démontrer la contribution déterminante de ces manquements à l’insuffisance d’actif. À défaut de chainage probant, l’action échoue. Cette sévérité méthodologique n’est pas un formalisme : elle garantit la proportion entre la faute alléguée et la charge mise à la tête du dirigeant. Colmar, 1er févr. 2023, n° 21/04862

Enfin, Colmar rappelle que les actes accomplis en période suspecte ne sont pas de simples péripéties procédurales. La nullité de cessions à titre gratuit opérées pendant cette période a été prononcée, avec un effet mécanique sur l’assiette du passif et la restauration de l’actif. Là encore, la technique des procédures collectives — analyse des dates, des actes et de leur cause — irrigue la solution de responsabilité. Amiens, 23 mai 2024, n° 23/04532

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