"No-poach, no chance ! "
Accords de non débauchage en 2025, le risque antitrust : Ce  que vous devez bannir, ce que vous pouvez encore sécuriser

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En quelques semaines le droit de la concurrence a placé la mobilité des salariés au cœur du jeu économique en France et dans l'Union européenne.

Le 2 juin 2025 la Commission européenne a infligé 329 M€ d'amendes à Delivery Hero et Glovo pour un cartel comprenant un "no-poach" et des échanges d'informations sensibles. C'était la première décision européenne visant explicitement un accord de non débauchage.

Le 11 juin 2025, par une décision 25 D 03, l'Autorité de la concurrence a sanctionné des accords de non débauchage et a infligé 29,5 M€ d’amendes pour des ententes “no-poach” entre groupes acteurs de l'ingénierie et des services numériques, qualifiées d’ententes par objet.

Le message est clair : les politiques RH deviennent un paramètre de concurrence à part entière.

Pour les dirigeants, les DRH et les directions juridiques l'enjeu est immédiat : sécuriser les politiques RH les partenariats et le clausier à la façon d'un template de contrat prédéfini, les modèles de clauses pré-enregistrées dans le système permettent de faciliter la rédaction d'un document tout en préparant une réponse judiciaire rapide et proportionnée.

L'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe les ententes entre entreprises lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le libre jeu de la concurrence. 

L'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne TFUE prévoit des dispositions analogues.

Une entente anticoncurrentielle se trouve ainsi caractérisée lorsque des opérateurs économiques indépendants décident ensemble du comportement qu'ils souhaitent adopter sur le marché au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de manière indépendante.

I LE TOURNANT DE L'ANNEE 2025 : UN ACCORD " NO-POACH" MAL REDIGÉ ET NON IDENTIFIÉ PEUT SUFFIRE À CARACTÉRISER UNE ENTENTE PROHIBÉE ET ÊTRE SANCTIONNÉE

Une entente "no-poach" désigne l’engagement réciproque entre entreprises concurrentes de ne pas solliciter ni embaucher le personnel de l’autre en direct ou par intermédiaire

Une telle entente atteint un paramètre essentiel de la concurrence qui est la mobilité des salariés et entre dans le champ de l’article L 420 1 du code de commerce et de l’article 101 du TFUE.

Depuis 2025 les autorités considèrent qu’un no poach général même implicite peut être qualifié d’entente par objet et qu’il n’est pas nécessaire d’établir des effets sur le marché pour le sanctionner.

Les directions RH et/ou juridiques s’exposent à des injonctions et à des amendes pouvant atteindre 10%  du chiffre d’affaires mondial du contrevenant sur le fondement de l’article L.464 2 et les actions indemnitaires sont facilitées par la présomption de l’article L.48- 2 du code de commerce.
 
La clémence demeure une voie de réduction du risque lorsqu’une entreprise révèle spontanément la pratique et coopère de manière utile avec l’autorité.

La jurisprudence française récente de 2025 de la Cour d'appel de PARIS, spécialisée, illustre un contrôle accru des accords de non-débauchage au regard du droit de la concurrence, en particulier dans les secteurs où la mobilité des salariés constitue un enjeu concurrentiel majeur.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 5 février 2025, a réaffirmé que la simple embauche, dans des conditions régulières, d’anciens salariés d’une entreprise concurrente n’est pas en elle-même fautive, sauf à démontrer l’existence de manœuvres déloyales ou d’une désorganisation avérée de l’entreprise concurrente. Cette position, constante, distingue la liberté de mobilité des salariés – principe fondamental – des pratiques de débauchage déloyal susceptibles d’être sanctionnées.

Dans le même sens, dans un arrêt du 27 mars 2025, la Cour d'appel, Pôle 5 confirme que la liberté d’embauche prime, sauf en cas de comportement déloyal ou de désorganisation manifeste.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 mai 2025, a également précisé que les accords ou décisions d’association d’entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’exclure des concurrents du marché ou de restreindre la concurrence sont prohibés, même s’ils ne prennent pas la forme d’un cartel classique, qui peuvent être considérés comme ayant un objet anticoncurrentiel dès lors qu’ils visent à restreindre la mobilité des salariés entre entreprises concurrentes.

Enfin, la Cour d'appel dans un arrêt du 7 mai 2025 rappelle que la qualification d’entente prohibée n’exige pas nécessairement la démonstration d’un effet concret sur la concurrence, l’objet même de l’accord pouvant suffire à caractériser l’infraction.


II LIGNES ROUGES ET ZONES LICITES : COMMENT ÉCRIRE DES CLAUSES DANS LES CONTRATS DE TRAVAIL SANS BASCULER DANS L'ENTENTE


Dès l’alerte, il faut ouvrir un audit éclair de conformité RH-concurrence afin de cartographier tous les points de contact avec des concurrents, de nettoyer le clausier et les accords-cadres, puis de mettre en place un canal d’alerte interne dédié aux signaux d’entente.

Sont visés, par exemple, des consignes de non-embauche, des échanges d’informations sensibles ou l’existence de clubs professionnels informels. En parallèle, nous proposons de geler immédiatement les preuves utiles en conservant journaux d’accès, courriels, agendas et comptes rendus, avant de bâtir une chronologie factuelle exploitable.

Ce qui doit être proscrit, c'est tout accord général de non débauchage entre concurrents qu’il soit écrit verbal ou induit par des usages RH : toute liste noire, toute promesse croisée de non embauche, tout échange non agrégé d’informations sur salaires bonus niveaux de mobilité ou politiques de recrutement.

Ce qui peut rester acceptable sous une discipline juridique stricte c'est une clause de non sollicitation insérée dans un contrat précis de partenariat de co-traitance de joint-venture ou d’acquisition lorsqu’elle est nécessaire proportionnée et strictement limitée à l’objet à la durée et au périmètre du projet.

Pour rester du bon côté de la ligne il faut rattacher la clause à un projet identifié viser uniquement les personnes effectivement impliquées limiter la durée au temps du projet avec une queue courte et justifiée exclure toute interdiction générale à l’égard d’un concurrent bannir tout benchmark salarial individualisé et mettre en place des pare feux d’information et d’approbation interne.

Notre cabinet TURLAN AVOCATS conscient des enjeux, propose de réécrire les trames contractuelles en mettant en place une gouvernance d’évaluation des partenariats et en formant vos équipes RH achats et M&A afin que vos pratiques demeurent efficaces et sûres.

Notre approche s'aligne sur la position récente de l'Autorité qui a distingué des clauses contractuelles circonscrites des accords généraux de non débauchage en écartant l'objet anticoncurrentiel lorsque la nécessité la proportion et les limites sont établies.

Consultez-nous.


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