Ordonnance commune et expertise judiciaire 

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Reprendre la direction du procès, 

TURLAN AVOCATS – contentieux techniques, expertises judiciaires et référés complexes

En matière d’expertise judiciaire, et plus particulièrement en référé, une pratique s’est insidieusement imposée devant certaines juridictions : subordonner toute demande d’ordonnance commune à l’avis préalable de l’expert judiciaire.
Présentée comme une exigence de prudence, cette pratique n’a pourtant aucun fondement textuel, repose sur une confusion des catégories procédurales, et conduit à une dépossession progressive des parties de la direction de leur procès.

La jurisprudence, tant de la Cour de cassation que des cours d’appel, offre pourtant des repères clairs. Encore faut-il les mobiliser avec rigueur, méthode et stratégie.


C’est précisément sur ce terrain que le cabinet TURLAN AVOCATS intervient : là où la technicité ne doit jamais faire oublier le droit.

I. Ordonnance commune et expertise : une distinction juridique nette trop souvent méconnue

A. L’article 245 du CPC : un texte cantonné à l’extension de mission

La Cour de cassation a posé, dès 1992, un principe limpide : la consultation de l’expert judiciaire ne s’impose pas lorsque le juge se borne à déclarer l’expertise commune à une nouvelle partie, sans étendre la mission du technicien (Civ. 2e, 1er juillet 1992).

Cette solution a été confirmée de manière décisive par la troisième chambre civile le 23 octobre 2002, laquelle a censuré une cour d’appel ayant exigé l’avis de l’expert alors que la demande ne portait que sur une extension ratione personae, rappelant que le juge devait seulement rechercher l’existence d’un intérêt légitime.

Plus récemment encore, la Cour de cassation (Civ. 2e, 22 septembre 2016) a rappelé que l’article 245, alinéa 3, du Code de procédure civile ne concerne que l’extension de la mission, et que son non-respect n’affecte même pas la recevabilité de la demande.

À plus forte raison, il ne saurait justifier une exigence préalable pour une ordonnance commune.

En pratique, toute confusion entre extension de mission et extension de parties constitue une erreur de qualification juridique.

B. L’ordonnance commune relève du seul article 145 du CPC : le « motif légitime »

Les cours d’appel les plus rigoureuses l’ont parfaitement intégré.

Ainsi, la cour d’appel de Caen (3 décembre 2013) comme celle de Rennes (12 avril 2023) ont rappelé que la demande tendant à rendre l’expertise commune doit être appréciée exclusivement au regard de l’existence d’un motif légitime, caractérisé par :

  • un litige potentiel,

  • un risque de responsabilité,

  • ou la nécessité de préserver une preuve avant tout procès.

Dans ces décisions, aucun avis de l’expert n’est requis, et la légitimité procède des pièces produites par la partie demanderesse, non de l’appréciation d’un technicien.

Exemple pratique – TURLAN AVOCATS
Dans un dossier de désordres de construction impliquant un assureur non initialement attrait, le cabinet a obtenu une ordonnance commune sur le seul fondement de l’article 145 CPC, en démontrant le risque contentieux futur, sans solliciter – ni attendre – un avis de l’expert, évitant ainsi une perte de temps et une fragilisation des délais.

II. La consultation systématique de l’expert : une dérive procédurale aux conséquences lourdes

A. Une pratique sans fondement, contraire aux principes directeurs du procès civil

Aucun texte n’autorise à conférer à l’expert un rôle de filtre procédural.

La jurisprudence rappelle de manière constante que :

  • l’expert n’est ni partie ni juge,

  • il ne tranche aucune question juridique (CA Aix-en-Provence, 24 février 2012),

  • et le juge n’est jamais lié par ses constatations (CA Versailles, 4 mai 2018).

Subordonner une ordonnance commune à l’avis de l’expert revient pourtant :

  • à porter atteinte à l’initiative des parties (article 1er CPC),

  • à dévoyer le contradictoire,

  • et à créer une délégation implicite du pouvoir juridictionnel, prohibée par l’article 12 du CPC.

Cette dérive nourrit la figure doctrinale de l’« expert-prince », dénoncée tant par la doctrine que par la jurisprudence, et illustrée par la multiplication des contentieux où la stratégie procédurale se trouve dictée, de fait, par le calendrier ou les positions de l’expert.

B. Délais, sécurité juridique et risques contentieux : une vigilance stratégique indispensable

Aucune décision n’a, à ce jour, sanctionné explicitement un refus d’ordonnance commune par la perte d’un effet interruptif ou suspensif de prescription.
Mais la jurisprudence rappelle avec force que les effets sur les délais sont attachés à l’ordonnance du juge, et non à l’exécution de l’expertise ni à l’avis de l’expert (CA Douai, 5 janvier 2023).

En d’autres termes, un refus infondé d’ordonnance commune :

  • fragilise l’opposabilité de l’expertise,

  • multiplie les procédures,

  • et expose les parties à des stratégies défensives agressives au fond.

Exemple pratique – TURLAN AVOCATS
Dans un dossier de référé expertise à forts enjeux financiers, le cabinet a sécurisé la procédure en contestant immédiatement l’exigence illégale d’un avis d’expert, obtenant l’intégration d’une partie déterminante et garantissant ainsi la pleine opposabilité du rapport à venir.


Conclusion

L’usage ne fait pas la loi.
En matière d’ordonnance commune, la jurisprudence est claire : l’avis de l’expert judiciaire n’est pas requis, sauf extension de mission.
​​​​​​​Persister dans une pratique contraire, c’est affaiblir le procès, déséquilibrer les droits des parties et confondre technique et droit.

La maîtrise de ces distinctions, la capacité à qualifier juridiquement la demande et à anticiper ses effets procéduraux constituent aujourd’hui un avantage contentieux décisif.

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