
Rupture des relations commerciales : ce n’est pas parce que c’est brutal… que c’est indemnisable !
-La rupture d’une relation commerciale peut sembler évidente à indemniser lorsqu’elle est soudaine ou sans préavis. Pourtant, les juridictions françaises rappellent que la brutalité perçue ne fait pas le droit. La simple cessation d’une collaboration, même ancienne, ne suffit pas à engager la responsabilité de son auteur : encore faut-il prouver un préjudice réel, une relation suffisamment établie, et l'absence de motif légitime à la rupture.
TURLAN AVOCATS vous dresse un tour d’horizon des décisions récentes qui dessinent les contours de cette notion fondamentale pour tous les acteurs du commerce interentreprises.
I. Rupture sans préavis : une brutalité sanctionnée… à condition que le préjudice soit démontré
Les juridictions restent constantes : l’article L.442-1, II du Code de commerce n’ouvre pas droit à indemnisation automatique. La rupture brutale, même avérée, n’entraîne réparation que si le demandeur prouve un dommage certain.
Ainsi, dans une affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Rennes (1er juillet 2024, n° 23/04052), un fournisseur évincé du jour au lendemain a vu sa demande rejetée. Le tribunal a bien reconnu le caractère injustifié et brutal de la rupture opérée par simple courriel, mais a refusé toute indemnisation faute de démonstration chiffrée du préjudice. Un manquement, même fautif, ne vaut pas compensation sans preuve économique.
À l’inverse, la Cour d’appel de Paris (3 avril 2024, n° 21/14643) a indemnisé un prestataire logistique dont le contrat avait été rompu sans préavis après 14 années de collaboration. Le préjudice a été reconnu au titre de la perte de marge brute et des investissements rendus inutiles. La rigueur probatoire a payé.
La jurisprudence récente nous enseigne que les pièces comptables, projections d’activité et éléments de réorganisation doivent être produits dès l’introduction de l’instance. À défaut, l’action encourt le rejet, peu importe la brutalité des faits.
II. Le caractère établi de la relation et la suffisance du préavis au cœur de la grille d’analyse
L’ancienneté d’une relation ne suffit pas à la qualifier de "commerciale établie".
Les juges exigent une stabilité, une régularité et une intensité des échanges. À défaut, la rupture ne sera pas jugée fautive.
C’est le sens de l’arrêt du 11 septembre 2024 (CA Paris, n° 21/21264), où une relation de plusieurs années a été jugée trop marginale pour ouvrir droit à indemnisation. Le flux d’affaires était jugé trop faible, et le préavis de six mois, adapté aux circonstances.
De même, dans un arrêt du 4 juin 2025 (CA Paris, n° 22/20698), un préavis de 11 mois a été jugé suffisant pour une relation de longue durée, alors même que le fournisseur invoquait une déstabilisation brutale.
Les juridictions rappellent également qu’en cas de faute grave du partenaire évincé, aucune indemnisation n’est due.
Ainsi, le 19 février 2025 (CA Paris, n° 22/16052), une association ayant rompu sans préavis avec un prestataire fautif (manquement à une obligation de neutralité) a été totalement exonérée de responsabilité.
Enfin, l’imputabilité de la rupture est essentielle. La Cour d’appel de Douai (13 juin 2024, n° 23/00824) a rejeté la demande d’un entrepreneur qui n’a pas su démontrer que son cocontractant était bien à l’origine de la cessation des relations.
En conclusion, les dernières décisions convergent vers une exigence accrue de précision factuelle et probatoire. Pour obtenir réparation sur le fondement de l’article L.442-1, II du Code de commerce, le demandeur doit démontrer :
Une relation commerciale établie dans la durée, la régularité et l’intensité ;
L’absence ou l’insuffisance d’un préavis, sauf faute grave ;
Un préjudice chiffré et actuel, lié directement à la rupture ;
L’imputabilité certaine de la décision à l’auteur de la rupture.
Le cabinet TURLAN AVOCATS, fort de son expertise en droit des affaires et en contentieux commerciaux, accompagne fournisseurs, prestataires, franchisés, distributeurs et donneurs d’ordre dans la prévention, la gestion et la résolution des litiges liés à la rupture de relations commerciales. Consultez-nous !
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